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2000 - Le Progrès (FR)

Le Progrès

Mercredi 8 février 2000
Portrait
par Laurent Diennet

A l’heure du symbole creux à souhait et du logo roi, Laurent Granier conçoit et crée les armoiries de Mr tout le monde... et des autres.

Etiquettes de vin, détails de tableaux, croquis... le petit espace où Laurent Granier a installé son bureau regorge de références à l’art et à l’histoire. Son art est celui de l’héraldique, son histoire c’est la nôtre, celle qui nous fait de l’œil sur une bonne bouteille, ou issue d’un drapé d’un tableau de la renaissance. « L’héraldique a cela de spécial qu’elle va quelquefois chercher loin dans la vie privée des gens. Le fait de recevoir mes clients chez moi met à l’aise indiscutablement, d’ailleurs certains sont devenus de très bons amis. »
A 34 ans, Laurent Granier a dé-jà 5 années d’activité professionnelle derrière lui en tant qu’héraldiste. Née au XIIe siècle. l’utilisation des armoiries était à la base réservée à la classe guerrière, aux combattants. « Il s’agissait pour les troupes de se reconnaître à distance et de savoir si des renforts arrivaient ou si au contraire les forces adverses se consolidaient" explique Laurent Granier. Par la suite, posséder des armoiries et les mettre en avant ne fut plus l’apanage des hommes d’armes. Le clergé, les marchands, les seigneurs demandèrent aux artistes de l’époque de créer une image pouvant représenter leur famille le tout enrobé d’une symbolique savamment choisie.
La Révolution française tenta d’effacer au maximum ses traces considérées comme celles d’une élite qui n’était alors plus... la bien-venue. Tout en regrettant cette « véritable saignée patrimoniale unique en Europe » (les pays voisins regorgent encore de telles traces).
Laurent Granier constate amèrement que cette image aristocratique liée aux armoiries est enco-re vivante aujourd’hui. « Et pourtant je travaille avec tout le monde, de l’habitant du HLM qui a eu un coup de cœur pour des armoiries à la vieille famille qui veut rafraîchir son image. » La clientèle de Laurent Granier est néanmoins composée en majorité d’amateurs d’histoire et de personnes plutôt aisées. Le nom de « l’artiste historien » commence aujourd’hui à circuler parmi les amateurs, même si les débuts furent pourtant un peu difficiles, mal-gré un large « plan communication » englobant Internet et le minitel. « Les gens attirés par l’héraldique ne savent généralement pas où s’adresser. Dans ce cas, le bouche à oreille fonctionne encore très bien. »

Si la passion se lit aisément dans les yeux de l’héraldiste, elle est également présente dans ses mots. Sur le papier à la qualité irréprochable, Laurent Granier s’efforce de fixer en une scène les va-leurs définies par son client. Tout en symboles, la lecture des armoiries est comparable à sa genèse. L’aquarelle joue le jeu de la transparence, le jeu du glaive qui rappelle aussitôt la justice ou de l’ours qui évoque instantanément la puissance. L’acrylique de son côté est plus opaque comme ces symboles que l’on ne déchiffre qu’en connaissant le commanditaire. Il y a des facettes de la vie d’un client qui n’appartiennent qu’à lui et qu’il n’a pas forcément envie de faire partager dès le premier regard.
Laurent Granier a commencé à nouer des contacts avec des entreprises « qui recherchent quelque chose de plus signifiant qu’un simple logo" mais continue bien sûr à travailler pour des particuliers (parmi ses clients la comtesse de France ou encore Ja famille des Oldenbourg). Il s’est même attelé à son premier chantier archéologique. Sa connaissance de l’héraldique permet aux archéologues de déterminer par exemple la date de telle alliance entre deux familles ou encore d’interpréter un geste politique in-connu par les moyens « classiques » d’investigation Laurent Granier a réalisé son rêve, il combine chaque jour histoire, lettres et dessin tout en s’efforçant de perpétuer un art qui, selon lui, a encore de beaux jours devant lui.

« Héraldique et généalogie », jusqu’au 12 février dans les salons de la mairie du 6e arrondissement, 59, rue de Sèze. Métro Foch ou Masséna.

Lyon, sexe et blason

Il y a peu, la mairie centrale décidait de supprimer l’attribut viril du Lyon, symbole évident de la ville qui trône sur chaque drapeau, voiture de police municipale ou encore papier à en tête de l’Hôtel de ville. Pour Laurent Granier, cette castration imagée est dommageable.
« C’est un petit détail stupide qui s’est fait par méconnaissance des choses. Il faut savoir qu’en héraldique, un animal dont on ne voit pas le sexe devient automatiquement une femelle. » Il est vrai que le sexe en question n’était pas très explicite et que les enfants et autres âmes sensibles ne risquaient pas le choc psychologique à la vue de cet entrejambe plutôt discret. Une chose est sûre, impossible dès lors de taxer la ville de ne pas vouloir accéder à la parité dont on parle tant en ce moment.
Cet acte vétérinaire passé, la signification des armoiries de la ville en blason (le blason étant à la base le langage utilisé en héraldique) ne change pas : « De gueules au lion d’argent au chef d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or. »